On menait ses pêcheries avec fracas dans les rues de la ville. On maniait ses tramails avec ferveur dans les boîtes de nuit. On ramenait du coloré, du vivifiant, de l'air, du large. On faisait voir l'éclat des grains, les secousses des caps. On montrait au grand jour sa patience à sauver les prises qui avaient engamé. De retour au port, on fendait les laminaires à petite allure, on gouvernait du coude, on manoeuvrait comme un cargo, on se regardait regardé. On savait les récits admiratifs sur son compte, sur sa régularité qui en faisait un enfant des marées. On savait la fascination pour ses ruses qui remplissaient ses paniers à pleuronecte. On aimait ravaler les pêcheurs à la mouche au rang de pleutres.
On se plaisait dans ces habits de matamore.
Une fois les pieds hors des bottes, rongés de mycoses, sur le carrelage visqueux d'humidité de sa petite maison à l'arrière des docks, une fois devant son bol de soupe de poisson, posé sur le bois putride de la table à manger, une fois l'un en face de l'autre, on s'inquiétait. On pensait aux horaires, on ne se couchait pas tard, on se permettait un feuilleton, on avait peur des réactions du chat, on ne faisait pas rentrer de boissons alcoolisées, on repassait ses chaussettes.
L'océan, dans un bocal, ne miroite plus avec mêmes couleurs.