03 août 2011

En face

C'était depuis là. Depuis la pénombre des cafés des sports, tout au bout des zincs, là où les clignements des yeux sont ralentis. Depuis les frêles terrasses de plastique, sous les parasols pouilleux et bon marché des bars des postes, là où les vacances n'arrivent que par cartes, par procurations.

Depuis là, on regardait en face. Les nouvelles vieilles brasseries. Le cortège des blondes, la cour des gominés, le royaume des eaux minérales. Surtout, l'engouement pour les tartares, les caprices autour des carpaccios, les soupirs d'extase face aux tomates-mozzarella. Ce rouge coupé au couteau descendre dans ces gorges dorées, ces lèvres suçoter ces lamelles, ces langues lécher ces huiles d'olive. 


Généralement, au début de l'après-midi, un animateur, à la radio, décidait de passer quelque chose comme "Exodus", chanté par Edith Piaf. Et l'envie d'aligner les pastis se faisait plus pressante. On se doutait vaguement qu'un jour ou l'autre, celles et ceux d'en face viendraient annexer ces territoires. On tâchait de bouger précautionneusement, de "rester tranquille". On écoutait nos cigarettes se consumer et on n'était pas sûr du moment exact où tout ce décorum avait commencé à s'effriter.