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Jocelyne F. justifia son appel à la sécurité parce que Benoît T. "avait dépassé les limites. On ne devait pas profiter de faire peur aux gens en blouson de cuir noir, comme souvent lorsqu'il s'agit de ressortissants de la République démocratique de Z., d'ailleurs". Deux hommes en uniformes vert de la compagnie C. s'étaient approchés doucement du "perturbateur" pour ensuite plaquer fermement son visage contre le comptoir. Ils le maintinrent les bras repliés dans le dos jusqu'au bas de l'immeuble. Ils restèrent en faction devant la porte tournante une demi-heure après avoir perdu "le contact visuel" avec le "fauteur de trouble".
C'est Jocelyne F. qui actionna le processus de dérivation du dossier de Benoît T. Les documents le concernant avaient ainsi été transférés dans une salle spéciale regroupant "les cas difficiles". Dès lors, un nouveau numéro de classement avait dû être créé, en complément du "numéro racine". En clair, et conformément à la procédure, tout nouveau mouvement du dossier devait être validé par une commission de cinq personnes avant de pouvoir être "quittancé". Dans l'ordre hiérarchique suivant: Jocelyne F., Jean-Jacques K.et les trois membres du Directoire opérationnel dont faisait partie Monsieur le Conseiller général P.
Quelques jours plus tard, un juriste indépendant, visiblement une connaissance de Benoît T., d'après le rapport de deux enquêteurs externes mandatés par la "commission spéciale", adressa une demande de révision du dossier. L'organe compétent émis à l'unanimité un "préavis négatif", motivant "un dénigrement agressif vis-à-vis de fonctionnaires d'Etat dans l'exercice de leur mission."
La section "Contentieux Ouest" du Service d'encaissement des contributions déferra ensuite le dossier au "groupe taxation à risque" jusqu'à "l'émission des décomptes finaux pour l'année courante."
Ce matin pourtant, sur les grandes dalles de béton ciré qui constituaient la Place du Général D., le dossier de Benoît T. "semblait connaître un nouveau rebondissement", songea Jean-Jacques K., en observant le déploiement des forces de sécurité vers le coupe-vent orange de la société Happiness is rising.
Visiblement, l'ensemble du personnel de la section "Contentieux Ouest" du Service d'encaissement des contributions ne semblait pas tranquille. Il ne s'agissait pas d'effroi face aux violences extrêmes en cours. Plutôt un malaise. Celui qui poursuit les familles traditionnelles jusque dans leur voiture, le samedi matin au retour du supermarché. Parce qu'elles ont cédé à d'autres familles leur caddie contre deux euros, alors qu'elles savaient que le chariot avait été déverrouillé avec une simple pièce métallique.
Nous connaissions ce malaise. Nous avions tout vu. Nous avions tout entendu. Nous avions assisté à tout. Nous savions pourquoi. Alors nous avons décidé de parler.
A suivre.
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