17 février 2015
Salon de thé
Elle dodeline. Elle sourit un peu. Elle joint les mains, je veux dire par là qu'elle les fait se tenir très tranquilles. Son immobilité est parfum. Il tourne sa tasse dans sa sous-tasse. Il tourne ce qu'il boit. Dans l'autre sens. Ils ressemblent à un couple. On dirait bien. Leurs intentions portent des tutus vagues et grossièrement découpés dans du tulle bon marché. Ils viennent de commander des "petites salades indiennes". Avec "pas trop de poulet". Le début de l'après-midi est libation à l'eau minérale. Ils se parlent calmement. On dirait un entretien d'évaluation. On dirait qu'il y a embauche. On dirait qu'ils vont trouver quoi faire ensemble. On dirait qu'ils se dirigent vers une collaboration. Des mots, "partenaire", "danse", "hip", "hop", "cool", "waouh" flottent brièvement dans l'air, comme un jet de gouttelettes émis par un brumisateur aux senteurs opulentes. Aux pieds d'une table voisine, un chien court et maigre fait le beau, se dresse sur ses pattes arrière, maintient un équilibre succint et reçoit sur sa langue qui tremble un peu une fine tranche de canard fumé. Et cette question, lâchée, incontrôlable: "L'action sur les chaussettes mi-longues est-elle encore d'actualité dans ce magasin dont j'ai oublié le nom, mais qui se trouve dans la zone commerciale du bout de la ville, celle avec les trottoirs peints en verts?"